Lettre Ouverte à Serge Berthomieu, tête de la liste « Pour que vive Arles »

M. le candidat à la mairie d’Arles,

Le quotidien la Provence (fév. 2008) rapporte ceci : « Berthomieu (DVD). Une grande bibliothèque des religions. L’idée : « Arles est le berceau majeur de la Chrétienté (…) il s’agit de créer à côté de la Cathédrale paléo-chrétienne, une Grande Bibliothèque qui donnera à la ville une notoriété internationale : les livres et les manuscrits y seront conservés et mis à la disposition des chercheurs, des communautés religieuses du monde entier. Il y aura donc la Bibliothèque, mais aussi, à l’Archevêché, un centre de conférences, une galerie d’exposition, un centre de recherche et de documentation rattaché une formation en théologie. A la chapelle Ste-Anne, on peut faire un musée et un espace de dialogue entre religions et civilisations ».(…) »

Certaines de vos formulations nous choquent : « Arles est le berceau majeur de la Chrétienté », « formation en théologie » et « un musée et un espace de dialogue entre religions et civilisations ». Est-ce encore un privilège pour l’ancienne religion dominante ?

Que dirait-on si un candidat à la mairie voulait ouvrir un musée historique à la mémoire arlésienne et internationale de la libre-pensée, de l’athéisme, de l’anticléricalisme, bien présent à Arles, avec le premier maire d’Arles, Antonelle (pendant la Révolution), puis avec les maires anticléricaux de la fin XIXe-début XXe (Augustin Tardieu, Jacques Martin et Honoré Nicolas). Des traces de cette période existent avec les nombreux édifices religieux devenus biens nationaux (telle l’église du Méjan, ancien siège du syndicat du Mérinos), avec les nombreuses colonnes brisées des cimetières arlésiens et la plaque de la société de libre-pensée. Processions interdites, croix publiques enlevées… Cette histoire mouvementée a laissé des traces dans cette ville républicaine.

Il ne s’agit de demander aucun privilège, ni à une ou plusieurs religions, ni à l’athéisme ou l’agnosticisme, mais de respecter la neutralité laïque qui permet à tous les citoyens de vivre ensemble, quelle que soit leur croyance ou leur philosophie, ou leur origine.

Nous vous rappelons qu’environ un tiers des Français se déclarent sans religion aux sondages réguliers effectués sur le sujet, et que ce chiffre augmente chaque année : ce qui veut dire que la 2e option spirituelle en France est l’option spirituelle philosophique (athéisme, agnosticisme, rationalisme, libre-pensée, franc-maçonnerie, etc.). Dans ce même sondage, le catholicisme représente 51 % (dont la moitié de ces 51 % des personnes interrogées déclarent ne pas croire en dieu), le protestantisme pour 3 % et l’islam pour 4 % [soit 2,4 millions de personnes se déclarant musulmanes sur 60 millions de Français]. On est loin d’un « retour du religieux » qui concerne surtout les media et certaines élites (Max Gallo, Régis Debray, pour ne citer qu’eux), car la croyance des Français régresse, en fait.

Selon nos amis historiens bucco-rhodaniens, le paganisme a été fondamental sur Arles (qu’il soit romain ou autochtone), et on ne peut réduire l’histoire d’Arles à la seule chrétienté.

– « Arles est le berceau majeur de la Chrétienté » : est donc une phrase qui nous parait réductrice, « n’importe quelle ville peut s’en réclamer, et cela n’a pas trop de sens »

– « formation en théologie » : ce n’est pas le rôle des institutions publiques laïques de s’occuper de théologie, mais c’est du ressort des cultes eux-mêmes. La religion n’est pas un service public, écrit le philosophe H. Pena-Ruiz.

– « un musée et un espace de dialogue entre religions et civilisations » : cela est du pluralisme religieux, bien prisé aux Etats-Unis, et qui est le contraire de la laïcité. Le dialogue des religions concerne les religions elles-mêmes, et non pas la puissance publique laïque. Quand aux dialogues des civilisations, toujours d’inspiration nord-américaine, c’est une belle formulation médiatique assez vide de sens.

Cher candidat, membre du Parti Radical, votre camarade Arlette Fructus de Marseille, avait organisé une rencontre sur la laïcité à Marseille en 2005, dans la ligne historique de votre parti humaniste. Elle pourra sans doute vous apporter quelque éclairage sur la laïcité des institutions républicaines, et le respect de la neutralité laïque, que nous vous demandons.

Recevez, M. le candidat, nos meilleures salutations laïques.

« Alain Pi – Cercle des Options Spirituelles Philosophiques »
(Athéisme, Agnosticisme, Rationalisme, etc.)
– chez : Cercle LAÏQUE 4, rue F. Davso 13001 Marseille – alainpy3(a)orange.fr


création, 1.3.08