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Histoire des « Caricatures » Danoises

Rallumons les Lumières ! « L’affaire des dessins de Mahomet » expliquée avec rigueur par Jeanne Favret-Saada, une universitaire qui a publié une enquête minutieuse sur cette « affaire », dont on parle à tord et à travers, sans connaître son déroulement au Danemark et sa suite française !

bando Islamophobie ou Laïcophobie ?

Islamophobie ou Laïcophobie ?


« Monter une affaire est un travail de longue haleine. Dans mon propre livre(*) sur les événements danois de 2005-2006, j’ai consacré les trois premiers chapitres à leurs préalables : le passé du Danemark en matière de racisme et d’immigration, le changement de majorité parlementaire à partir de 2001, et l’hésitante politique d’immigration du nouveau gouvernement.


L’affaire des dessins de Mahomet est, au départ, une modeste controverse médiatique qui oppose le journal danois le plus important, le Jyllands-Posten, à cinq imams résidant au Danemark. Deux d’entre eux, qui ambitionnent d’y être reconnus comme les porte-paroles de l’islam et qui sont en conflit avec la presse depuis longtemps, protestent contre la publication, le 30 septembre 2005, de douze dessins représentant le Prophète. Ceux-ci figurent à titre de vignettes illustratives dans une grande enquête sur l’autocensure des artistes par crainte de l’activisme salafiste. Intitulée « Les Visages de Mahomet », elle vise explicitement ces imams « qui portent l’image publique de l’islam » et qui, au contraire de leurs paisibles coreligionnaires, affichent le « sentiment gigantesque, démesuré, de leur propre importance » ainsi qu’une « sensibilité exacerbée devant toute manifestation de désaccord », devant toute « critique de leur conduite personnelle » dont ils font « une insulte au Livre sacré ». Ces deux imams et trois de leurs collègues, rassemblés dans un « Comité Européen de défense du Prophète », vont lancer une double protestation contre ces dessins : parce que le Jyllands-Posten a enfreint l’interdiction de représenter le Prophète, et parce que ces dessins seraient des caricatures (ce n’est en réalité le cas que pour quatre d’entre eux).


D’emblée, le Comité recourt à deux méthodes de pression : la mobilisation de la population musulmane du Danemark, et le recours à des États musulmans ainsi qu’à leurs organisations internationales. Mais le premier procédé démontre très vite son insuffisance (il n’y aura qu’une seule manifestation, ratée), tandis qu’au bout de cinq mois, le second produit la crise internationale la plus grave que le Danemark ait subie depuis la Deuxième guerre mondiale : les représentants autoproclamés d’une minorité immigrée sont parvenus à enrôler dans leur cause d’importants représentants de l’islam mondial et, potentiellement, son milliard trois cents millions de fidèles. []« 



Caricatures Danoises & Sensibilités Religieuses, Jeanne Favret-Saada

Enquêtes sur les Caricatures Danoises & Sensibilités Religieuses, Jeanne Favret-Saada


(*) Jeanne Favret-Saada, anthropologue, est l’auteure de « Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins « , ré-édition Fayard en 2015, [Paris, 2007, éd. Les Prairies Ordinaires]. « Republié chez Fayard, augmenté de données et des réflexions sur les affaires Rushdie en 1989 et Charlie-Hebdo/l’HyperCacher en janvier 2015. [Son] travail se fonde sur une enquête effectuée au Danemark, et sur la consultation de la presse des pays concernés. »


Dossier Jeanne Favret-Saada


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