L’universitaire Bruno Etienne à Arles en février 2008, invité par l’UPOP d’Arles, qui comptait, alors, un de ces anciens élèves. Cette prestation a suscité des réactions. Voici l’une d’entre elles.
« Bruno Etienne : un après-midi de chien
En allant écouter Bruno Etienne, je savais que je n’en tirerais pas une grande satisfaction: j’avais déjà lu des articles, des entretiens, m’étais renseigné sur le sens de sa réflexion, et je connaissais son évolution, de la reconnaissance du droit à la différence, à la justification du communautarisme.
La présence annoncée de Benjamin Stora et la volonté proclamée de l’interactivité de l’UPOP (Université Populaire d’Arles), m’avaient rassuré. Mais en plus de l’illustration de ces idées que j’exècre, j’ai entendu un tout autre discours inattendu pour moi, c’est de cela que je veux parler .
J’ai commencé à dresser l’oreille lorsqu’il a déclaré benoîtement que Matthieu Ricard avait « trahi » en se convertissant au bouddhisme. Pour mémoire, M. Ricard est un mathématicien, proche du Dalaï-Lama, par ailleurs fils du philosophe Jean-François Revel. Donc, chacun appartiendrait de naissance à la religion de son milieu familial et géographique. En changer serait une « trahison » ! C’est ce que les crétins obscurantistes stigmatisent sous le nom d’apostasie.
Ensuite, j’ai entendu un chapelet d’insultes méprisantes et de plaisanteries de potache contre mai 68, la République, la démocratie, la Révolution de 89, les Lumières. Pour Bruno Etienne, l’esprit critique des citoyens, c’est l’ennemi. La religion, l’ordre, étant des idéaux perdus.
Je ne peux passer sous silence les remarques renvoyant Robert Badinter et le capitaine Dreyfus à leur judéité, en leur déniant le droit d’être simplement des citoyens français républicains.
La coupe était pleine, mais elle a débordé avec un commentaire de Reza. Le magnifique Reza, humaniste, cultivé, fraternel, après avoir parlé de la présence intense des femmes dans l’histoire, puis de la situation tragique des minorités dans l’Iran des ayatollahs, a malheureusement conclu son intervention en disant qu’il avait toujours cru que la France était un pays de tolérance et de liberté, mais que Bruno Etienne l’avait détrompé, en lui affirmant que la situation des minorités était comparable en France et en Iran. Profiter de l’ignorance du français de Reza, pour lui bourrer le crâne, est indigne.
Comparer le sort des Kurdes, des Turcs, des Bahai’s en Iran, à celui des minorités régionales en France est obscène. Je n’ai jamais imaginé que mes amis qui chantent « Coupo Santo » vivent ensuite dans l’appréhension d’être arrêtés et jetés dans un cul-de-basse-fosse. Le seul risque véritable qu’affrontent les militants (non-violents) des régionalismes en France est d’être tués par le ridicule.
Alors, je récapitule : la religion imposée par la naissance, le mépris de la laïcité, de la démocratie, de la République, de la Révolution, des Lumières, le tout pimenté d’une pincée d’antisémitisme, voilà tous les ingrédients pour faire mijoter la vieille soupe rance de l’extrême droite des années 30, et de l’Action Française. Bruno Etienne est le digne successeur de Charles Maurras.
Pour finir, voulant faire une incursion dans la vie sociale, il a prononcé le mot « classe », qui dans sa bouche par un magnifique lapsus, est devenu « crasse ». Cerise sur le gâteau.
Devant un vestige aussi anachronique, on pourrait se taire ou sourire, « préserver le patrimoine » dit-on à Arles, mais Bruno Etienne est un anachronisme pestilentiel, alors, impossible de garder le silence. »
Patrick Rosen
L’auteur de ce texte était l’un des animateurs d’ATTAC d’Arles, en fév. 2008
création, 9.2.08
Voir aussi : Bruno Etienne, laïcophobe