Liberté Religieuse ou Laïcité ?

Qu’est-ce que la Conférence Départementale des libertés religieuses ?

Le but des « conférences départementales de la liberté religieuse » est de remettre en cause la laïcité de la République. Respect de la loi de 1905 ! Retrait immédiat de la circulaire du ministère de l’intérieur du 21 avril 2011 : anti-laïque, anti-républicaine et anticonstitutionnelle.

 La Circulaire du ministère de l’intérieur du 21 avril 2011 enjoint aux préfets « de désigner un correspondant-laïcité dans chaque préfecture et préconise l’installation d’une conférence départementale de la liberté religieuse ». « Le correspondant laïcité de la préfecture ( …) aura également la mission d’animer la conférence départementale de la liberté religieuse que je vous demande d’installer à l’automne puis de réunir en fonction des enjeux locaux, à un rythme régulier. Même dans un régime de séparation il y a, et il doit y avoir, dialogue entre les cultes et l’État. Cette conférence départementale rassemblera des élus locaux […], les responsables des services publics […] ainsi que les représentants des cultes ; […]. »

 1 – La nature même de ces conférences est anti-constitutionnelle et anti-républicaine : La loi de 1905 commence par affirmer : « La République assure la liberté de conscience. » Il s’agit bien de garantir à tous les citoyen(ne)s la liberté de pensée et la liberté d’exprimer leurs opinions, qu’elles soient politiques, philosophiques, spirituelles ou religieuses. La deuxième phrase dit explicitement : « Elle garantit le libre exercice des cultes …». Mais ce n’est pas l’inverse ! la liberté de conscience ne découle pas du libre exercice des cultes. En effet, l’histoire a montré et l’actualité le démontre à l’envi : là où il n’y a pas liberté de conscience, il y a de graves problèmes pour ceux qui n’appartiennent pas à la religion dominante, car le droit de douter, le droit de ne pas croire ou celui d’être indifférent ne leur sont pas reconnus !

 Instaurer des conférences départementales de la liberté religieuse est donc une aberration et une escroquerie ! On veut à tout prix faire croire que la laïcité serait antireligieuse, serait un obstacle à la liberté religieuse ! Alors que c’est tout le contraire !

– Depuis la Révolution française, « nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » Ce qui était loin d’être le cas avant !

– La séparation des églises et de l’État garantit l’indépendance de l’État et l’indépendance des religions !

– Elle permet à chaque citoyen(ne) de se libérer si bon lui semble de sa communauté.

Cette liberté de conscience du citoyen, c’est bien elle qui est remise en cause !

– Elle se voit aujourd’hui réduite à la seule liberté religieuse des communautés de croyants ! C’est seulement l’aspect religieux qui est mis en avant, la seule garantie accordée aux citoyens croyants et à leurs églises, en ignorant les droits de tous les autres citoyens.

Cette décision est contraire à la loi de 1905 qui déclare dans son article 2 : »La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »

La création de ces conférences de la liberté religieuse est totalement illicite car le ministère de l’intérieur, par cette circulaire, reconnaît de facto les cultes qu’il invite à participer à une structure officielle de consultation, alors que la loi stipule qu’elle n’en reconnaît aucun !

C’est la réintroduction des religions dans la vie publique, c’est le contraire de la « séparation des églises et de l’État »! Le seul dialogue licite entre la République et les cultes, c’est celui qui n’a jamais cessé d’exister entre le ministre et les représentants des différentes religions existantes ; le ministre a la charge de faire connaître et d’appliquer la loi votée par les représentants du peuple souverain et non de la contourner pour oeuvrer contre elle. La liberté religieuse n’est d’ailleurs pas un concept républicain, c’est une revendication de l’église catholique depuis 1905, reprise entre autres par « l’église de scientologie », secte qui veut obtenir le droit d’exister et de recruter des adeptes !

 2 – Le but des « conférences départementales de la liberté religieuse » est de remettre en cause la laïcité de la République : Si la nature et l’objectif premier de cette circulaire sont de toute évidence anti-républicains puisqu’il s’agit de redonner aux religions la place perdue dans la sphère publique depuis le vote de la loi de séparation, les fonctions attribuées à ces conférences départementales sont aussi clairement dirigées contre les institutions laïques.

A commencer par la composition même de ces conférences : d’un côté on trouve des représentants de la loi et de la République : « correspondant-laïcité » de la préfecture, représentants des services publics, élus », et de l’autre, des représentants désignés des cultes (catholique, israélite, musulman, bouddhiste, orthodoxe, protestant), qui, eux, ne sont pas reconnus par la République, sont pour certains opposés à la loi et qui cherchent tous à la contourner pour en tirer des avantages particuliers…!

 Le but des « conférences départementales de la liberté religieuse » est de remettre en cause la laïcité de la République

 C’est une situation digne d’Ubu… Il s’agit d’ une incitation ouverte à revendiquer, dans un cadre officiel qui permettra aux cultes d’exprimer les exigence croissantes de leurs communautés religieuses …! C’est donc la possibilité de généraliser dans les collectivités territoriales les atteintes portées à la loi depuis des années.

Dans sa présentation officielle le 15 avril dernier, le ministre explique ses objectifs : il s’agit de « mieux faire connaître la laïcité et son application dans la République, de réaffirmer le principe de neutralité du service public, et de garantir le libre exercice du culte. »

– c’est là son rôle de ministre ! Nul besoin de réunir les représentants des cultes !

– mais il ajoute qu’il y aura « désignation d’un réseau de « médiateurs » dans chaque ministère et la création de « correspondants laïcité » dans chaque préfecture qui seront les relais des élus locaux et des associations cultuelles » ; Il précise qu’ « un groupe de travail interministériel associant les cultes sera chargé, avant l’été, de clarifier les conditions d’application du principe de neutralité du service public et de proposer les mesures juridiques appropriées. »

Le correspondant-laïcité quant à lui, est un haut fonctionnaire de la République ; il se doit en tant que tel de respecter la neutralité absolue de la République vis à vis des croyances ou des non-croyances ; comment pourrait-il se faire le « relais des associations cultuelles » ? Il lui est demandé explicitement d’agir contre la loi ! Le ministre demande aux représentants des cultes discuter de la gestion laïque des services publics, donc de les cogérer !

 3 – Non à la mise en place d’un réseau officiel de consultation intégrant les cultes pour cogérer les services publics !

Les conférences départementales se mettent peu à peu en place, et c’est la même orientation qui va s’appliquer dans les services publics. Dans les services de santé par exemple où il est prescrit « … qu’un agent soit désigné en qualité de correspondant chargé des questions de laïcité et de pratique religieuse dans chaque établissement de santé ; il sera chargé de chercher avec les différentes obédiences, la meilleure prise en compte des convictions religieuses des usagers ».

 Organiser de telles structures de cogestion des services publics avec les représentants des cultes c’est la remise en cause de la République une et indivisible et de ses institutions laïques.

 De même, « dans chaque Agence régionale de santé (ARS), un référent désigné devra assurer, en lien avec les services compétents de la direction générale de l’offre de soins, le suivi de ces questions. Cette prise en compte sera déclinée au sein des délégations territoriales des ARS. Le référent participera à la conférence départementale de la liberté religieuse évoquée par la circulaire NOR IOCK11O3788C. A ce titre, il travaillera en liaison avec le correspondant « laïcité » désigné par le préfet.

 Ce n’est plus de la laïcité ouverte, c’est l’entrée organisée de tous les clergés dans la vie publique ! Ce n’est plus de la laïcité du tout !

 Le ministre de l’intérieur annonce clairement que l’un des objectifs est de « Garantir et de favoriser le libre exercice du culte ».Cela ne peut que signifier à terme la fin de la séparation des églises et de l’État, contre la République qui n’a pas à favoriser le libre exercice du culte ! pas plus qu’elle n’aurait à favoriser l’athéisme, l’agnosticisme ou l’indifférence totale aux problèmes religieux !

– Le ministre continue ses explications « en rappelant les dispositifs existants dans le cadre de la loi de 1905 pour accompagner la construction de nouveaux lieux de culte (baux emphytéotiques, garanties d’emprunt, financement des parties culturelles…), tout en rappelant simultanément qu’aucun concours financier public n’était possible »

C’est là une hypocrisie absolue ; avant de rappeler le véritable contenu de la loi (impossibilité du concours financier public), on appelle à la transgresser et à agir contre elle ! C’est un mensonge caractérisé !

La loi de 1905 ne contient ni baux emphytéotiques, ni garanties d’emprunt, ni financement des parties culturelles…ces éléments ont été introduits dans des circulaires ou dans des jurisprudences.

C’est ainsi que dès le 29 juillet 2011, la circulaire NOR/IOC/D/11/21246C du ministère de l’intérieur, ayant pour objet « Édifices du culte : propriété, construction, réparation et entretien, règles d’urbanisme, fiscalité » vient remplacer celle de 2009, pour intégrer immédiatement les décisions anti-laïques prises par le Conseil d’État le 19 juillet.

Ces conférences départementales se mettent peu à peu en place depuis le mois de juillet : quelques exemples : – « en Seine-Maritime, elle a pour but d’instaurer un dialogue entre élus, responsables de services publics et représentants des cultes bouddhistes, catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes et protestants. » La préfecture explique : « Elle permettra d’étudier en concertation des questions telles que la création, l’entretien et l’utilisation des lieux de culte, les aumôneries dans les services publics, ou les questions de laïcité à l’école, dans le fonctionnement des services publics ou l’utilisation des espaces publics »

 Dans les Hauts de Seine, « Les thèmes abordés ont concerné le financement des édifices cultuels, l’accès des patients des hôpitaux à l’exercice du culte et l’application de la laïcité dans l’éducation nationale.

– En Côte d’Or, « Les sujets abordés ont notamment été les lieux d’abattage rituel en vue de l’Aïd-el-Kébir, les espaces confessionnels dans les cimetières et les frais de chauffage dans les églises des communes rurales. »

Comme on le voit, les problèmes abordés par les conférences sont déjà clairement traités par la loi , et leur examen ne peut en aucun cas être confié à des représentants des cultes qui ne représentent que leurs communautés et leurs intérêts, et ne peuvent être substitués aux représentants du peuple souverain !

La seule obligation de la République est d’assurer la liberté de conscience et de garantir l’exercice des cultes. Organiser la consultation des cultes ne peut avoir comme conséquence que l’adaptation de la loi aux pressions communautaires. C’est l’instauration de l’inégalité. Organiser de telles structures de cogestion des services publics avec les représentants des cultes c’est la remise en cause de la République une et indivisible et de ses institutions laïques.

C’est la voie des « accommodements raisonnables » qui ne peuvent que favoriser le développement du communautarisme contraire au principe de laïcité parce qu’il met en avant ce qui divise et ne peut donc conduire qu’à des affrontements.

C’est la porte ouverte aux menus aménagés dans les cantines scolaires, dans les hôpitaux, aux horaires sexués dans les piscines, aux abattoirs rituels, la porte ouverte à la ré-instauration de carrés confessionnels dans les cimetières interdits par la loi en 1881, etc.

C’est remettre en cause, sans le dire et en prétextant une nécessaire concertation, les dispositions fondamentales de la loi de 1905 et le retour au financement public des cultes.

Au lieu de mettre un terme au concordat napoléonien en Alsace-Moselle, on organise des mini-concordats départementaux…

 Aucun républicain laïque ne doit participer à cette forfaiture ! Retrait immédiat de la circulaire du ministère de l’intérieur du 21 avril 2011 anti-laïque, anti-républicaine et anticonstitutionnelle !

Patrice Decorte (83 Draguignan)

mis à jour, 22.5.12 ; créée 5.2.12