Laïcité, une loi suffira-t-elle ?

Voici un peu en vrac quelques éléments d’une réflexion sur cette future loi sur la laïcité. Pour introduire un débat. Tout ne sera pas traité, ne nous en voulez pas.

Vote. Un projet de loi sur la laïcité vient d’être votée à l’Assemblée en première lecture, à une immense majorité droite-gauche. Ce texte doit encore passer au sénat. Il interdit les signes religieux ostensibles, et prévoit un temps de discussion avant la sanction. Le terme ostensible a été préféré à visible. Ce texte a été élaboré par le ministre de l’éducation, à la demande du président, suite au rapport commandé à une commission.

Etats des lieux. Juridique & chronologique.

  • Depuis 1936 et 1937, deux circulaires du ministre Jean Zay, interdisaient les signes politiques, puis religieux.
  • 1989. La loi Jospin sur l’éducation, introduit dans son article 10, la totale liberté d’expression pour les élèves, y compris religieuse.
  • 1989. Affaire du foulard à Creil. Trois élèves ont été exclues de leur établissement. Un récent reportage apprend que l’une des filles a enlevé le voile du fait d’un mariage avec un homme d’origine tunisienne (en Tunisie, le voile est prohibé à l’école, comme en Turquie).
  • 1989. Le ministre Jospin demande l’avis du Conseil d’Etat pour régler ce type d’affaires. Il autorise les signes religieux à certaines conditions, en se basant sur la récente loi Jospin qui donne une totale liberté d’expression aux élèves. On emploie le mot ostentatoire.
  • 1989. Jospin produit une circulaire sur les signes religieux qui fait retomber la responsabilité sur le chef d’établissement.
  • Ensuite. Le ministre Bayrou publie une circulaire à peine plus ferme et claire.

Contexte politique

1°/ La Commission Stasi

ou plutôt les Commissions Stasi, car outre la commission sur la laïcité, celle rapportant sur l’intégration a été peu médiatisée. Sur la laïcité, les commissaires ont fait diverses propositions, à l’unanimité moins l’abstention du Pr Baubérot, dont celle d’interdire les signes ostensibles à l’école. Par contre la Commission parlementaire Debré parlait de signes visibles. Constatons, comme ils l’ont souvent dit, qu’au début la quasi-totalité des membres de la Commission était contre une loi. Et, quelle que soit leur conception laïque, ils sont devenus pour une loi, car les auditions publiques et surtout privées, leur ont fait constater que des pressions étaient exercées sur certaines jeunes filles pour les voiler. D’autres affirmant leur libre choix. Et, la présence de groupes extrémistes.

2°/ Chirac pressé.

Cette loi imparfaite, comme toutes les lois, l’est également car elle est rapide, le président est pressé, il ne traite qu’un aspect (l’école) et promet de s’occuper de l’hôpital dans un autre texte. Cette loi aurait mérité d’émaner du Parlement présidé par M. Debré, évitant des circonstances électorales, pour réfléchir en profondeur.

 Débat mal posé.

Un débat n’est pas forcément parfaitement posé. La superficialité de celui-ci révèle l’inculture laïque des journalistes, politiques, et de nous autres citoyens. Des laïques ont eu raison de s’en emparer. On parle de laïcité, ne boudons pas notre plaisir.

 Le foulard n’est que l’étendard…

…noir ou brun, le signe le plus visible de l’islam politique. Je dis bien islam politique (ou politico-religieux), et non pas islam tout court. L’islam en soi n’est pas en cause. Du foulard à la mode « baggy » (ou habillé comme un sac). Selon les politico-religieux, la pseudo « vraie » musulmane doit être enveloppée dans un vêtement tombant sur ces chaussures qui estompe tout son corps. Le voile n’étant que le début du processus. De même, les autres revendications pour l’espace public se sont dévoilées, si j’ose dire, au fil du temps : absences aux cours de gym, et surtout à la piscine, contestation des cours sur les événements du Moyen-Orient, sur les questions de l’islam, de la Shoah, et bien sur la demande de viande halal, dès la maternelle… La pudeur est souvent invoquée, mais c’est surtout le marquage identitaire de l’espace public qui est important.

Intégration Républicaine

SOS Racisme, puis le mouvement Ni Putes Ni Soumises, développent depuis une 10e d’années une conception républicaine de l’intégration et s’opposent au voile. Les filles étant les plus concernées par l’ordre moral et-ou traditionnel. Mais ces nouveaux républicains, ainsi que les associations de maghrébins laïques, sont violemment dénoncés par le gauchisme « islamo-progressiste », voire le MRAP national. Le tribun politico-religieux Tariq Ramadan, et l’universitaire Bruno Etienne, sont les emblèmes de ces contestataires. Mélange de demande de droits, sans évocation de devoirs, et d’ordre moral dissimulé. C’est culturel, dit-on.

Discrimination positive ou volontarisme

Si la discrimination positive réduit les citoyens à une appartenance ethnique, ou de genre, le volontarisme basé sur le mérite, comme à l’Institut de Sciences Politiques d’Aix, où des élèves de milieux populaires ont un soutien scolaire mais passent le même concours. La République doit être laïque ET sociale, mais on ne peut accepter le chantage au social pour créer des droits différents


Création , 17.6.04